74 IMPRESSIONS DE VOYAGE vite possible; nous ne devions arriver qu'assez tard à Schoukovaïa, notre prochaine halte de nuit, et, pour y arriver, nous avions à traverser un endroit extrême- ment dangereux. C'est un bois taillis qui serre la route comme un défilé et qui, de la route, s'étend à la montagne. Huit ou dix jours auparavant, un officier très-pressé d'arriver à Schoukovaïa, n'ayant pas trouvé de Cosaques à la station de Novo-Outchergdennaïa, avait voulu con- tinuer son chemin malgré les observations qui lui avaient été faites; il était en kibik, espèce de télègue recouverte d'une capote de cabriolet. Au milieu du petit bois dont nous venons de parler, il vit tout à coup un Tchetchen à cheval bondir hors du fourré et venir à lui. Il arma son pistolet, et, au moment où le Tchetchen n'était plus qu'à quatre pas de lui, il pressa la dé- tente. Le pistolet rata. Le Tchetchen, lui aussi, avait un pistolet à la main. Mais, au lieu de le décharger sur l'officier, il le déchar- gea sur un des chevaux du kibik. Le cheval tomba la tête brisée; force fut à la voiture de s'arrêter. Au coup de pistolet, une dizaine de Tchetchens à pied sortirent, à leur tour, du fourré et s'élancèrent sur l'of- ficier, qui en blessa un ou deux avec sa schaska, mais qui, en un instant, fut renversé, dépouillé, garrotté et attaché par le cou à la queue du cheval. Les montagnards sont d'une adresse admirable pour cette opération; ils ont toujours une corde toute prête