LE CAUCASE 69 pittoresque merveilleux. C'était la première fois que le mélange des costumes frappait nos regards. Arméniens, Tatars, Kalmouks, Nogaïs, juifs, se pressent dans les rues, chacun portant sans altération l'habit national. La population stationnaire est de neuf à dix mille âmes; elle double les jours de marché, et, on se le rappelle, nous étions tombés à Kislar un jour de marché. Le com- merce, outre celui que font les Tatars, en enlevant des hommes, des femmes et des enfants, et en les revendant à leurs familles, se compose, d'abord, de ce fameux vin que récoltent les Arméniens, de l'eau-de-vie qu'ils dis- tillent, de soieries que tissent les habitants du pays, du riz, de la garance, du sésame et du safran que l'on ré- colte dans les environs. Moynet rentra au bout d'une heure; il avait de la boue jusqu'aux oreilles, ce qui ne l'empêchait point d'être enchanté de Kislar. Ma rue l'avait émerveillé, il en avait fait un croquis charmant. A sept heures et demie, le drojky du gouverneur était à la porte. Deux porteurs de lanternes le précédaient; à la lueur des fanaux, on voyait reluire à leur ceinture la crosse de leurs pistolets, et la poignée de leur kandjar. Deux Cosaques, la schaska au flanc, le fusil sur le genou, se tenaient prêts à galoper de chaque côté. Nous prîmes place; et drojky, éclaireurs et Cosaques partirent au galop, faisant voler l'eau et la boue autour d'eux. Pendant la route, il me sembla entendre quelques coups de fusil.