LE CAUCASE 67 siége, tue douze hommes, et finit par tomber, criblé des balles qu'on lui envoie des fenêtres voisines. Les traces des balles de ses adversaires et les taches de son sang sont encore visibles; l'aubergiste s'en fait une espèce de réclame et les montre aux voyageurs qui logent chez lui. Bien entendu qu'il refuse de les montrer à ceux qui logent chez ses voisins. Je pourrais raconter une vingtaine d'histoires pareilles à celles-ci, et, morts ou vivants, en nommer les héros; mais il faut en laisser pour le reste de la route, et, Dieu merci, nous n'en manquerons pas! Nous restâmes une heure à causer avec madame Pol- nobokof, qui avait, par parenthèse, sous ses pieds un des plus beaux tapis de Perse que j'aie jamais vus. Elle nous invita à venir prendre, le soir, le thé chez elle, et son mari nous prévint que, de crainte d'accident, il nous enverrait deux Cosaques. Nous voulûmes refuser cet honneur. En ce cas, nous dit-il, je retire l'invitation de ma femme; je n'ai pas envie qu'il vous arrive malheur en venant chez moi. Nous nous empressâmes, sur cette menace, d'accepter les deux Cosaques. A la porte, nous trouvâmes le drojky du gouverneur, qui nous attendait tout attelé. Il n'y a qu'en Russie que l'on a de ces attentions-là. Le voyageur les rencontre à chaque pas, et, lorsqu'il ne croit pas, comme M. de Custine, qu'elles sont dues à son mérite, il doit en être véritablement reconnaissant. Pour mon compte, j'aurai à les consigner à chaque