62 IMPRESSIONS DE VOYAGE occupent leurs loisirs à lire nos romans, et s'entretien- nent ainsi dans l'exercice et même dans les progrès de la langue française. En effet, madame Polnobokof parlait admirablement le français. Je commençai par m'excuser de me présenter devant elle dans cet attirail guerrier, et voulus plaisanter sur les appréhensions de notre jeune hôte; mais, à mon grand étonnement, mon hilarité ne fut rien moins que communicative. Madame Polnobokof resta sérieuse, et me dit que notre jeune hôte avait eu parfaitement raison. Et, comme je paraissais douter encore, elle en ap- pela à son mari, lequel confirma ce qu'elle venait de dire. Du moment que le gouverneur partageait sur ce point l'opinion générale, la chose devenait grave. Je demandai alors quelques détails. Les détails ne manquaient pas.. La veille encore, un meurtre avait été commis à neuf heures du soir dans une des rues de Kislar. Il est vrai que c'était une erreur. Celui qui avait été tué n'était point celui à qui l'on en voulait. ― - Quatre Tatars, on appelle Tatars, en général, sur la ligne septentrionale du Caucase, comme on appelle Lesghiens sur la rive méridionale, tout bandit, à quel- que famille montagnarde qu'il appartienne, quatre Tatars, cachés sous un pont, attendaient au passage un riche Arménien qui devait passer sur ce pont; un pauvre diable passa, qu'ils prirent pour leur riche mar-