54 IMPRESSIONS DE VOYAGE Il y a tefle décoration affectée à tel grade, telle autre à telle dignité. Les généraux seuls, en Russie, portent une plaque. On m'avait dit, à mon départ de Moscou : Vous voyagez en Russie: accrochez un signe de distinction quelconque, soit à votre boutonnière, soit à votre cou, soit à votre poitrine, - ou vous ne trouverez pas un morceau de pain dans une auberge, pas un che- val dans les relais de poste, pas un Cosaque dans les stanitzas. J'avais ri de la recommandation; mais bientôt j'en avais reconnu, non pas l'utilité, mais la nécessité. J'avais mis, sur mon costume de milicien russe, la plaque de Charles III d'Espagne, et alors, en effet, tout avait changé à mon égard on s'empressait, non pas de satisfaire à mes désirs, mais d'aller au-devant, et, comme les généraux seuls, en Russie, peuvent, à moins d'exception, porter une plaque quelconque, sans que l'on sût quelle plaque je portais, on m'appelait gé- néral. Mon padarojné, fait d'une façon toute particulière, et un blanc seing du prince Bariatinsky m'autorisant à prendre dans tous les postes militaires l'escorte qui me conviendrait, corroboraient, chez ceux auxquels je m'adressais, cette opinion qu'ils avaient affaire à une autorité militaire. Seulement, on me prenait pour un général français, et, comme le Français est essentiellement sympathique aux Russes, tout allait à merveille. A chaque station de poste, le chef militaire de la sta- tion, presque toujours un bas officier, venait à moi, se