52 IMPRESSIONS DE VOYAGE J'étais entré le premier, et j'avais, avec une certaine inquiétude, jeté les yeux autour de moi. Les stations de poste que nous venions de parcourir étaient peu meu- blées, sans doute; mais encore avaient-elles un banc de bois, une table de bois, deux chaises de bois! Notre chambre n'avait pour tout meuble qu'une gui- tare pendue à la muraille. Quel était le fantaisiste espagnol qui nous avait pré- cédés dans ce logement, et qui, manquant d'argent pour payer son gite, avait laissé en payement ce meuble in- connu, que notre hôte réservait probablement pour le musée de Kislar? Nous interrogeâmes un garçon d'une quinzaine d'an- nées, celui pour lequel sans doute la porte était faite et qui se présenta à nous, avec sa tcherkesse garnie de cartouches et son kandjar passé dans sa ceinture; mais il se contenta de nous répondre avec un mouvement d'é- paules qui voulait dire : « En quoi cela vous intéresse- t-il? La guitare est là, parce qu'on l'y a mise. » Force fut de nous contenter de l'éclaircissement, tout vague qu'il était. Nous lui demandâmes alors sur quoi nous mange- rions, sur quoi nous nous assoirions, et sur quoi nous nous coucherions. Il nous montra le plancher, et se retira, fatigué sans doute de notre importunité, démasquant son frère, jeune garçon de sept à huit ans, attaché, par sa famille, à un kandjar plus long que lui, et qui nous regardait avec des yeux sauvages à travers les poils effarouchés de son papak noir. Il suivit son frère en emboîtant le pas sur lui.