48 IMPRESSIONS DE VOYAGE lar, le paysage s'était peuplé, comme il arrive aux en- virons des ruches et des villes. Mais nous avions remarqué que les abeilles qui sor- taient de la ruche que nous allions visiter, avaient de rudes aiguillons. Cavaliers et fantassins, tout ce monde était armé. Un berger que nous avions rencontré, avait son kandjar au côté, son fusil sur l'épaule et son pistolet à la ceinture. Une enseigne qui l'eût représenté n'eût pas pu mettre, comme chez nous : Au Bon Pasteur. Les vêtements eux-mêmes avaient pris un caractère guerrier. A l'inoffensive touloupe russe, à la naïve doubianca kalmouke, succédait la tcherkesse grise ou blanche, avec sa rangée de cartouches sur chaque côté de la poi- trine. Au regard souriant, avait succédé le regard inquiet, et l'œil du passant, quel qu'il fût, prenait une expres- sion menaçante, vu à travers les poils de son papak noir, blanc ou gris. On sentait que l'on entrait sur un sol où chacun crai- gnait de rencontrer un ennemi, et, trop loin d'une autorité quelconque pour compter sur elle, se gardait soi-même. Et, en effet, comme nous l'avons dit, nous appro- chions de Kislar, la même qui, en 1831, a été prise et pillée par Kasi-Moullah, le maître de Schamyl. Chacun y a encore souvenir d'avoir perdu, soit un parent, soit un ami, soit sa maison, soit sa fortune, dans cette catastrophe, qui, chaque jour, se renouvelle partiellement.