36 INTRODUCTION Ce fut ce qui arriva. Puis il avait un autre motif. Dès que les Russes eurent quitté le champ de bataille, ce qui eut lieu à la tombée de la nuit, il se leva, chercha le corps de son maître, qu'il avait vu tomber, le retrouva et l'assit dans la position d'un homme qui est mort en priant, et qui prie même après sa mort. Cette bataille avait coûté la vie à Kasi-Moullah, c'est vrai, mais c'était en même temps le triomphe du mu- ridisme, et Schamouil-Effendi comptait fort sur le mu- ridisme pour sa future élévation. En effet, il rejoignit ses compagnons, leur donna Kasi- Moullah pour un martyr dont il avait reçu les dernières instructions et recueilli le dernier soupir, et, sans se présenter encore comme son successeur, commença de s'appeler son disciple bien-aimé. Les montagnards, ramenés sur le champ de bataille après le départ des Russes, y trouvèrent le cadavre de Kasi-Moullah dans la posture que Schamouil avait dite, et personne ne douta plus que Schamouil, l'ayant assisté à ses derniers moments, n'eût reçu ses instructions su- prêmes. Cependant l'heure n'était pas encore venue pour Scha- mouil. Il sentait qu'il y avait entre lui et l'imamat un obstacle vivant et infranchissable. C'était Gamsah-Beg, ce lieutenant de Kasi-Moullah dont nous avons déjà parlé. Gamsah-Beg lui-même, quelle que fût sa popularité, n'était pas sûr d'hériter du suprême pouvoir. Il dut à son audace d'atteindre son but. Lorsqu'il connut, d'une manière certaine, la mort de